Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft

Lovecraft est à l'hôpital pour un cancer digestif en phase terminale. Sa mauvaise alimentation et sa précarité y étant pour quelque chose. Gorgé de morphine, l'espace et le temps n'ont plus leur cours normal, la causalité avec. Il croisera rien de moins que Houdini, sa femme, Poe, Nyarlathotep / Yog sottoth / etc., Borges, Alan Moore, Stephen King, pour ceux que j'ai reconnus ou identifiés. Mais aussi un certain Randolph Carter (...) fils de John. Et de multiples références.

Houdini car il devait lui servir de nègre (sic) pour Weird Tales pour vendre du n°. Poe, contemporain, à la vie aussi tragique et avec lequel il a correspondu. Comme il a correspondu avec des milliers de personnes, loin de l'image de solitaire asocial dont il a longtemps été affublé.

Ses contradictions sont bien montrées, antisémite, suprémaciste blanc et colonialiste. Il épousera une Juive et sortir de sa ville et se confronter à la réalité transformeront sa vision pour devenir vaguement de gauche mais en restant raciste envers les Noirs.

Son rationalisme, son matérialisme et son attrait pour la science, sont aussi central tout comme un certain nihilisme. C'est une descente en abyme dans des espaces délirants dans lesquels tout est ambivalent, faisant sens ou non, comme lui et son œuvre. Mais c'est aussi parce qu'on a aussi voulu en faire ce qu'il n'était pas, de récupération mercantile ou mystique (l'une n'empêchant nullement l'autre, bien au contraire).

On apprend beaucoup dans cette périgrination anté-post-mortem, une NDE d'un tourmenté. Le tout servi par un dessin splendide évoquant Druillet, Bilal, Schiele et l'expressionnisme. Il y a un beau cahier graphique en fin.

Une BD profonde, philosophique, un chef-d'œuvre.