ALBERT LUTETE MVUEMBA, Inspecteur des Finances depuis 1988, Secrétaire Général du Syndicat des Inspecteurs des Finances (d’octobre 2000 à ce jour), Commissaire aux comptes de la Société Congolaise des Hydrocarbures (de mai 2006 à ce jour) et Responsable Adjoint du Foyer de Communion fraternelle de Salongo-Nord dans le cadre des activités de la PPUKIN (1994-1995). Il se passionne pour l’action syndicale, le développement communautaire et le panafricanisme.
CONFERENCE DE GUNGU du 04 au 05/04/2011
3ème Thème : Le développement socioéconomique du territoire de GUNGU suivant la vision du système coopératif.
I. INTRODUCTION : Apport de la doctrine coopérative dans le processus de développement socioéconomique
1. Le nouveau modèle de développement.
De nos jours, les Africains avec tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux ont reconnu l’échec de l’approche du développement basé sur la promotion de l’économie de marché, suite aux résultats médiocres des programmes d’ajustement structurel conclus, à partir de 1985, avec les FMI et la Banque Mondiale.
En effet, la contraction de l’économie avec des coûts sociaux exorbitants dans un contexte de dualisme économique a été la conséquence de cette approche libérale. Ces contre-performances débordent le cadre de l’économique et met en lumière la dissonance entre les valeurs culturelles africaines et les fondements du libéralisme économique que ces reformes voulaient instituer en Afrique (stabilité économique et libéralisation de l’activité économique).
Face à cette crise stratégique, tous les partenaires s’accordent pour dire que chaque peuple doit concevoir sa politique de développement à partir de son histoire, et donc de sa culture :
•Juillet 1990 : la conférence ministérielle des gouvernements africains et ceux des pays donateurs a adopté à Maastricht une résolution recommandant la réalisation des études prospectives nationales à long terme;
•Septembre 2000 : déclaration sur les objectifs du millénaire pour le développement;
•Nouveau partenariat pour le développement : NEPAD;
•En 2002 : forum social mondial à Porto Alegre;
•Depuis 2002, le FMI et la BM ont demandé à chaque pays en développement d’organiser un forum sur les possibilités de croissance durable en vue d’arrêter un ensemble réaliste d’objectifs, de politiques et d’actions pour la relance économique. Ainsi, ils ont déclenché dans chaque pays le processus d’élaboration de document propre de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP).
Dans le cadre du DSCRP congolais, les actions inscrites au programme national de relance économique et de la réduction de la pauvreté sont notamment :
•Le soutien aux initiatives privées particulièrement en matière d’encadrement, d’approvisionnement et de commercialisation ;
•L’appui aux comités de développement communautaire (CDC), des associations de développement des villages (ADV), des coopératives en vue d’en faire des opérateurs économiques et de changer progressivement le système traditionnel d’exploitation agricole.
La stratégie de développement par l’action coopérative est donc le point de mire de la politique de développement du Gouvernement. Il est d’une nécessité impérieuse de former les populations rurales notamment à la doctrine coopérative et les encadrer dans la mise en œuvre des projets coopératifs de développement.
De toute évidence, l’option économique sociale du marché prônée par la Constitution de la RDC se concrétise dans le système coopératif (économie coopérative).
2. Renouveau dans les rapports socioéconomiques
Le système coopératif a rééquilibré et moralisé les relations socioéconomiques dans l’histoire de l’Occident. Il a ainsi permis d’améliorer la condition sociale des gens du peuple en tant qu’il s’appuie sur le service, l’entraide, les valeurs et besoins humains et non sur le profit, les rivalités et la possession du capital.
En effet, l’activité de l’entreprise coopérative change le statut social des membres qui, au lieu de demeurer simplement de simples clients, acheteurs, usagers, travailleurs ou artisans, deviennent copropriétaires de la coopérative, donc des entrepreneurs, avec un rôle social nouveau, plus responsables, grâce aux quatre principes coopératifs : adhésion et démission libres, pouvoir démocratique, répartition du trop-perçu proportionnellement aux opérations, limitation du taux d’intérêt sur le capital versé.
Force est de reconnaître que le coopératisme a apporté un contingent inestimable dans l’amélioration du climat des affaires, notamment dans la promotion du droit, de la justice, de l’intégrité et de la confiance parmi les personnes composant le corps social, en particulier, les opérateurs économiques et la société civile.
Sous l’influence salutaire des coopératives, les pays tels que la Suisse, le Danemark, l’Allemagne, Israël et le Canada se sont développés en appliquant les principes coopératifs à l’échelle nationale, améliorant le capital humain et consolidant la confiance entre agents économiques, créant les meilleures conditions pour la mobilisation de l’épargne et l’investissement. Comme l’a déclaré l’ancien Président américain dans son discours du 09 juillet 2002 à New York à la suite des scandales financiers à répétition, « tout investissement est un acte de confiance, et la confiance se gagne par l’intégrité ». A long terme, il n’y a pas d’économie prospère sans conscience, ni de richesse sans moralité.
Pour notre part, l’essor du mouvement coopératif dans un pays assainit l’ensemble de l’environnement économique : le secteur privé coopératif ou capitaliste, l’entreprise, l’établissement ou l’administration publique.
C’est qu’en exhortant les coopérateurs à la pratique de juste prix et de revenu mérité, en combattant toute forme de monopole économique et en extirpant l’égoïsme et la mégalomanie qui déshumanise les affaires, le coopératisme freine la spéculation pernicieuse en faveur des consommateurs qui obtiennent la valeur réelle de leur argent en marchandises ou en services, sans y ajouter un profit injustifié. De même, les vendeurs perçoivent de leurs produits la valeur réelle ayant cours sur le marché sans que cette valeur ne soit diminuée du montant du profit abusivement appliqué par un intermédiaire spéculateur. Les travailleurs, les producteurs directs notamment les agriculteurs et les artisans peuvent, pour leur part, bénéficier équitablement du fruit de leur travail.
3. Les atouts du système coopératif (étude prospective)
Dans un système aussi transparent et juste, les agents économiques publics et privés se font confiance et peuvent s’associer pour produire et échanger. Loin d’être l’ultime recours des masses désespérées, le système coopératif développe la capacité d’organisation et de gestion des populations en vue d’investir les principaux secteurs de l’économie et devenir des partenaires sérieux de l’Etat, des Provinces, des ETD et des investisseurs étrangers.
Ainsi, les coopératives font le culte de l’effort productif et mobilisent les compétences dans une nouvelle société où chacun s’associe à sa communauté en produisant selon ses capacités, gagnant selon ses mérites, apportant son assistance à ses coassociés selon les excédents qu’il dégage, et bénéficie de la solidarité des autres membres en cas de besoin. Cela encourage les gens du peuple à amorcer leur mutation vers la modernité par l’acquisition des connaissances scientifiques et techniques adaptées aux besoins réels de la communauté à l’instar du régime éducatif japonais (enseignement technique, formation continue et professionnelle…)
Par ailleurs, le développement coopératif peut transformer l’ordre économique international en ce qu’il assure la promotion des échanges directs entre les coopératives des différents pays pratiquant des justes prix dans un esprit coopératif, minimisant les guerres commerciales et équilibrant les termes de l’échange des exportations et donc des revenus des producteurs africains.
En fait, une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire les aspirations et des besoins économiques, sociaux et culturels communs, au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement.
Mieux qu’une entreprise individuelle dont le développement puisse attiser les tensions dans le contexte africain dominé par l’esprit communautaire et entraîner une fracture sociale, la coopérative est une entreprise idéale où les facteurs et agents interagissent en toute transparence, loyauté et complémentarité. Cela concorde parfaitement avec la vision africaine des activités économiques, lesquelles contribuent à renforcer les liens et la cohésion sociale ainsi qu’aux valeurs humanistes traditionnelles.
En Afrique, l’économie coopérative valorise la culture africaine et brise les antinomies qui semblent persister entre les valeurs humanistes africaines et l’efficacité économique. Bien plus, l’on peut tirer parti des synergies entre la culture africaine et l’idéal coopératif en vue de tracer une voie de développement authentiquement africain basée sur la solidarité et la mise en commun des moyens et le partage équitable de la production.
C’est qu’en fondant les entreprises coopératives, les Africains modernisent les structures unionistes traditionnels ainsi que les valeurs ancestrales telles que : solidarité, entraide, travail productif collectif, équité, confiance, contrôle mutuel, justice et probité.
En fait, l’élaboration d’un système économique efficient doit résulter de l’analyse méthodique de l’histoire d’un peuple car il est impossible d’élaborer, comme le souligne J. LAJUGIE, une théorie et, partant une politique économique, valable pour tous les temps et tous les pays. Le développement de l’Afrique ne peut se fonder, selon Jacques BINET et DOGBE, que sur la culture ou, à tout le moins, sur la psychologie économique africaine : l’Africain appartenant traditionnellement à son clan, lequel est censé assurer comme autrefois ses besoins existentiels.
Il serait une gageure de stimuler le développement suivant le modèle capitaliste libéral dans une société où l’allégeance au groupe, au clan, à la tribu prévaut sur l’autonomie et l’intérêt personnel et, où la tradition de vie communautaire exclut le profit individuel comme moteur du progrès social. Bien au contraire, le coopératisme s’impose en Afrique où la tradition prône la voie de promotion collective : « chacun pour tous et tous pour chacun », une grande homogénéité sociale (pas de riches dominants), l’identité entre superstructure et infrastructure et la primauté du spirituel sur le matériel…
Mais il y a plus : l’instauration du système coopératif en Afrique assainira certainement l’environnement socioéconomique en restaurant la confiance entre les agents économiques publics ou privés, résidents ou expatriés, sans laquelle aucun investissement, donc aucun progrès n’est possible. Dans cette optique, l’Afrique basera son développement sur un nouveau partenariat entre l’Etat, les provinces, les ETD, les coopératives et associations locales et les investisseurs étrangers, sans discriminations ni raciale, ni ethnique, ni religieuse ou politique.
Cela contribue à assurer la participation et la prise en mains par les populations autochtones des activités économiques qui régissent directement leurs besoins existentiels, revitalisant le secteur informel et le monde rural en résorbant la masse de chômeurs en villes et dans les campagnes.
Offrant, en plus, un havre de paix ou un arbre à palabres où les Africains peuvent converger vers un consensus sur l’avenir de leur pays, prévenant les conflits civils et restaurant les conditions idéales pour le développement socioéconomique. Pour les gens du peuple les coopératives constituent des espaces sécurisés où ils peuvent mener les activités économiques, partager les risques de gestion et accumuler les richesses en dehors de tracasseries administratives et à l’abri d’un système fiscal régressif (fiscalisant les petites entreprises plus lourdement que les grandes, en proportion des revenus réalisés). C’est ainsi que naîtront les middle classes africains, socle de l’émergence d’une Afrique prospère et solidaire.
A contrario, le déploiement des entreprises multinationales dans les campagnes africaines avec des grandes exploitations agricoles et industries agroalimentaires d’exportation n’a pas d’impact sur l’amélioration du capital humain, ni sur l’accroissement des revenus des ruraux et, partant, sur leur condition de vie. Par delà les apparences, un développement illusoire a été enregistré dans les cas des plantations de bananes en Amérique Latine et de thé au Sri Lanka et au Kenya ainsi que dans les exploitations forestières d’Afrique qui n’ont apporté, pour les autochtones, que misère, bas salaires, ruine des petits exploitants et de la production vivrière, surexploitation et destruction de l’environnement.
Il est pourtant possible de booster la production agricole et les revenus des populations rurales avec des coopératives regroupant de petites propriétés même minuscules comme ce fut le cas au Danemark dans la seconde moitié du XIXe siècle, où les petits agriculteurs ont augmenté rapidement la qualité et le volume de leur production notamment dans l’élevage , contrôlant 3/5ème des exportations danoises et faisant de la paysannerie de ce pays , depuis, l’une des plus riches d’Europe.
II. CONTRIBUTION DU SYSTEME COOPERATIF A LA RELANCE ECONOMIQUE DE L’AFRIQUE SUB-SAHARIENNE.
1. Problématique de la relance de l’économie africaine
En Afrique la principale contrainte est la pérennisation du système dualiste économique et extraverti hérité de la colonisation, lequel a réduit l’immense majorité des Africains à l’autoexclusion et au refuge dans les secteurs rural et informel, dans une sorte d’économie de quasi-subsistance ne permettant pas d’utiliser toutes les potentialités et opportunités qu’offre le continent.
Selon Simon Kuznets, le sous-développement est justement cette utilisation incomplète du potentiel de croissance disponible. Tandis que le Professeur Kabeya Tshikunku soutient que le développement de l’Afrique ne passe pas par l’extension des structures économiques extraverties qui ne débouche que sur une croissance sans développement réel. Il faut donc une mutation radicale, une abolition de la dichotomie entre le « moderne » et le « traditionnel » afin de créer un système social et économique autocentré. Pour Michel Norro, la priorité pour l’Afrique n’est pas tant la croissance de l’économie structurellement extravertie mais plutôt la recherche de la cohérence dans un système autrement plus intégré. Il s’agit d’engager une profonde réforme de l’ensemble des structures économiques héritées de la colonisation, en découvrant les complémentarités cachées, les aptitudes, ressources et potentialités insoupçonnées en vue de l’amélioration de l’efficacité économique du pays.
De même que l’Amérique du Nord, sous l’influence du courant institutionnaliste de Veblen, s’est démarquée, dès la fin du XIXe siècle, des conceptions économiques classiques pour asseoir son développement sur les fondements culturels propres à la société américaine, les Africains se doivent-ils de poser un regard critique sur leur histoire aux fins d’y puiser les valeurs culturelles ainsi que les structures unionistes traditionnelles en vue de résoudre le problème de l’inadéquation entre l’idéologie libérale imposée par les Experts internationaux et la matrice de l’identité africaine : le communautarisme.
En effet, notre pays, comme la plupart des nations africaines, a une longue tradition du communautarisme. En fait, les empires et royaumes africains, à leur âge d’or, se fondaient sur la solidarité interethnique et se situaient au sommet d’une pyramide des communautés villageoises autonomes. De nos jours, dans le milieu rural où prédominent les activités agricoles, le travail est soumis à la discipline du groupe. Pour les tâches telles que le défrichage, l’abattage des arbres, la moisson, le stockage, le transport et la vente de la production, l’acquisition des intrants et produits manufacturés, les populations s’associent pour accroître l’efficience ou minimiser les coûts.
Mais cette association se fait de manière informelle sous forme de tontines, salongo, regroupement ponctuel pour une action définie, conseil du village….
Le système coopératif permet de mieux formaliser et moderniser les rapports socioéconomiques communautaires traditionnels. Les coopératives regroupent les populations dispersées dans des unités de production coopérative qui leur appartiennent collectivement et qui sont soumises à leur contrôle, sans discriminations tribale, ni religieuse, ni raciale ou politique.
- Contribution du système coopératif à la relance économique (étude prospective)
Les coopératives offrent aux nombreux Africains vivant dans les secteurs rural et informel une opportunité pour opérer leur mutation vers la modernité économique, en prenant en mains les activités liées à leur existence : alimentation, production et marché agricoles, approvisionnements en intrants et divers articles manufacturés, logement, santé, éducation, eau, électricité, crédit, assurance, routes de desserte agricole… Face à ces défis, les résidents de chaque cité ou village unissent leurs efforts, procèdent à l’inventaire des moyens disponibles, orientent et contrôlent leur action à travers les coopératives.
Cela aboutit à une réallocation des ressources nationales (main-d’œuvre, terres et capitaux) vers les secteurs porteurs et les unités coopératives qui contribuent directement à l’amélioration des conditions de vie des populations dans la ligne de la politique de développement autocentré.
Le choix du système coopératif s’impose dans le secteur agricole d’autant plus que la production y est soumise au travail du groupe. C’est en relevant la productivité à l’hectare et donc le revenu dans le secteur agricole, grand employeur de main-d’œuvre, que le coopératisme pourra permettre de faire reculer la pauvreté d’ici 2015 (OMD).
A travers les structures coopératives, les populations s’associent, sans exclusive, à la recherche des solutions à leurs problèmes existentiels, dans un esprit de décentralisation en tenant compte de la nature différente de chaque problème, des besoins, des préférences, des ressources et de l’environnement propres des populations concernées, et ce, de manière démocratique : « un homme, une voix, quel que soit le nombre de parts sociales détenues ».
A tout prendre, le coopératisme modernise donc le collectivisme millénaire traditionnel en prônant les mêmes valeurs humanistes africaines telles que la solidarité, l’entraide, le self-help, la sociabilité, l’équité, la probité, et la démocratie. C’est donc la renaissance de l’Afrique traditionnelle et de l’homo africanus.
Dans cette démarche, le coopératisme, grâce aux vertus de ses principes, contribue à la viabilité et à la consolidation de la décentralisation, en cultivant les valeurs démocratiques dans la vie quotidienne, en transformant les populations en agents de développement endogène et en décentralisant le pouvoir économique.
• Les coopératives remédient à la déliquescence du monde rural ; à la bonne heure ! Elles permettent de regrouper les populations dispersées en vue de les engager, sans esprit d’exclusive, dans la vie économique en devenant des partenaires sérieux pour l’Etat, les entreprises publiques et les investisseurs étrangers. Comme toutes les autres PME, elles joueront le rôle moteur en créant beaucoup plus d’emplois que les grandes entreprises dans la phase de croissance et un rôle modérateur en cas de crise, tout en contribuant à l’accroissement des ressources des ETD afin de conjurer le blocage du processus de décentralisation due au déséquilibre des finances locales.
III. ACTIONS A MENER AU PLAN NATIONAL
Selon les études de la Banque Mondiale, la participation des populations bénéficiaires d’un projet, tant à la conception, la réalisation qu’à la gestion des biens et services collectifs, optimise l’efficacité et la rentabilité économiques. C’est à juste titre que la même Banque a recommandé en 1994, dans son étude sur les orientations stratégiques pour la reconstruction de la RDC, de forger pour le Congo une nouvelle philosophie du développement et d’élaborer un nouveau modèle en tenant compte des points forts de l’économie et de la société tout entière. (vision de développement endogène et DSCRP).
Il est urgent de suivre, par ailleurs, la recommandation de l’Organisation Internationale du Travail (O.I.T.) n° 193 adoptée en 2002, relative à la reforme et la promotion du système coopératif et sa campagne mondiale conjointement menée avec Alliance Coopérative Internationale (A.C.I.) : « coopérer pour sortir de la pauvreté ».
En constituant des unités coopératives, l’on crée une synergie entre les différents organes, institutions et services publics ainsi qu’avec la société civile, pour amener les populations, tant au niveau national que local, à résoudre eux-mêmes leurs problèmes existentiels et de participer, ce faisant, à la réalisation des cinq chantiers de la République.
En vue de renforcer la participation des populations dans les secteurs vitaux de l’économie de leurs entités locales, il sied de mener les actions ci-après :
1. Réforme de la législation sur les coopératives en vue d’en faciliter la création, la gestion, le contrôle, la viabilité financière et l’efficience économique.
2. Formation continue :
• Former et mettre à la disposition des ETD des moniteurs agricoles et autres techniciens de gestion et les équiper en vue d’augmenter la capacité technique technologique et managériale et la productivité des populations surtout rurales;
• Monter des projets de formation populaire (module coopératif) : donner la formation en matière coopérative et technique aux populations avec le concours des centres de recherche, de vulgarisation et de formation des Ministères de PME, de la Recherche scientifique, de l’Agriculture tant au niveau central qu’à celui des provinces en vue d’appliquer les innovations scientifiques et techniques à l’agriculture, surtout vivrière, et de transformer les méthodes d’exploitation traditionnelle en culture plus intensive;
• Adapter le système éducatif aux besoins existentiels réels des populations congolaises;
• Assister les populations ainsi formées dans la conception des projets d’investissement à réaliser dans leurs contrées (avec les Services des ministères précités, l’INERA, OPEC et COPEMECO…) ;
3. Recherche des sources de financement en vue de créer une Caisse centrale devant accorder des crédits aux sociétés coopératives de la microfinance;
4. Octroi des titres de propriété foncière aux populations rurales tout en disponibilisant les terres arables pour l’agriculture;
5. Nouveau partenariat entre l’Etat, les provinces, les ETD, les coopératives locales et les investisseurs étrangers :
• Créer des entreprises dans lesquelles s’associent l’Etat, les provinces, les ETD, les coopératives locales et les investisseurs étrangers en vue de répondre aux besoins existentiels des populations locales et d’exploiter les potentialités économiques de leurs contrées ;
• Fonder les entreprises coopératives de production et location des machines et outillages agricoles;
• Décentraliser les entreprises ayant le monopole dans les secteurs de l’eau, l’électricité, l’assurance, le transport ou les PTT, en créant des entreprises provinciales devant gérer directement les réseaux de distribution et les services locaux en partenariat entre les établissements publics, les provinces, les ETD et les investisseurs étrangers.
6. La réforme du code des investissements devrait organiser la participation des nationaux dans les projets d’investissements réalisés en RDC en joint venture avec les investisseurs étrangers et les entités territoriales décentralisées.
IV. ACTIONS A MENER AU NIVEAU DU TERRITOIRE DE GUNGU
La priorité est d’accroître la production de l’agriculture et de l’élevage afin de relever les revenus des populations, ce qui permettrait de monter d’autres coopératives dans les différents secteurs vitaux : accès aux biens et services sociaux de base. Il s’agira de :
• Affecter dans le Territoire des moniteurs et techniciens agricoles et les doter des moyens de locomotion et un programme précis d’encadrement des populations;
• Vulgariser auprès des populations les techniques agricoles et de gestion notamment la conception et la réalisation des projets coopératifs, associatifs et mutualistes;
• Créer des coopératives agricoles assurant l’approvisionnement en intrants au juste prix (semences améliorées, engrais, outillages), l’encadrement technique, collecte et évacuation de la production;
• Désenclaver les centres de production par la Brigade des coopérateurs cantonniers;
• Faire construire par le regroupement des coopératives agricoles et de consommation des entrepôts de stockage et de points de vente sur place et dans les villes;
• Recourir aux valeurs culturelles traditionnelles qui prônaient jadis un puritanisme profond, l’honnêteté et les valeurs culturelles qui garantissaient la meilleure gestion des biens collectifs : actes consacrés par le formalisme et rituel coutumiers fondant la responsabilité collective et la pression de la communauté sur les gestionnaires des coopératives et des projets publics et vouer à la honte publique toute prévarication;
• Rechercher le financement tant national qu’extérieur;
• Encourager les jeunes à monter des projets agricoles communs au terme de leurs études;
• A partir du développement agricole et du surcroît de revenus, doper les activités dans les autres secteurs en créant des coopératives catalysées par la Caisse centrale d’épargne, de crédit et d’investissement notamment : les coopératives de consommation, d’habitat, de production d’eau et assainissement, de production énergétique, de santé…
• Rétablir les villages dans leur rôle traditionnel socioéconomique et culturel en tant que pivot du système économique et pôle de développement;
• Tenir une fois par semaine un grand marché des produits agricoles venant de tous les secteurs et en faire la publicité pour attirer les acheteurs des villes lointaines;
• Organiser la participation des délégués des coopératives, associations et mutuelles dans les organes techniques au niveau des ETD.
V. CONCLUSION
Jean BODIN n’écrivait-il pas que : « il n’est de richesse que d’hommes ». Les stratégies de développement doivent privilégier l’homme et sa richesse culturelle. En investissant dans l’amélioration du capital humain, le système coopératif jette les bases du développement endogène, global, intégré et respectueux de l’environnement. En définitive, l’esprit coopératif apporte toujours, à quelque endroit qu’il se cultive, des changements dans les rapports économiques et sociaux. Il modèle la vision que les populations ont du monde, de la vie et de leurs difficultés ; de leur manière d’agir et de résoudre leur problème pacifiquement ; tant il promeut les valeurs telles que la solidarité, l’entraide, le travail productif, la probité, la confiance en leurs capacités, la justice et la paix(1).
Dans notre pays, le lancement de cinq chantiers par le Chef de l’Etat offre aux populations congolaises l’opportunité d’entreprendre les activités de production dans tous les secteurs socioéconomiques en vue de l’édification de la Nation.
A ce jour, l’économie congolaise est en pleine croissance et modernisation, avec un niveau exceptionnellement élevé d’investissements tant publics que privés et la stabilité macroéconomique retrouvée.
Aussi, le développement des entreprises coopératives imprégnant les coutumes et les structures sociales d’un esprit de progrès managérial et industriel, permettra non seulement de diffuser dans les campagnes les effets de la croissance déjà perceptibles dans les villes, mais aussi de doter les populations rurales de la capacité d’orienter elles-mêmes les investissements et l’action du Gouvernement dans leurs contrées, autocentrant ainsi l’économie nationale.
Fait à Kinshasa le 04/04/2011
Albert LUTETE
CONSEILLER
(1) www. Afrique coopérative.com