À lire sur les questions d’antiracisme et de transféminisme
5 étoiles
C’est un recueil de texte dont la diversité des textes et des auteur·rices offre pas mal de matière à empathie, décentrage de son milieu blanc, et réflexions sur l’interlaçage du genre et de la race.
Deux citations qui m’ont marquées:
Premièrement, en apparaissant sans ambiguïté comme homme, le trans blanc jouit d’une invisibilité en tant que trans, ce qui, me semble-t-il, lui permet d’apparaître au monde pleinement blanc. […] Dit autrement, lorsqu’un blanc est perçu comme trans, c’est-à-dire comme déviant à l’ordre des sexes et de la nature, la transphobie atténue sa visibilité comme blanc. Alors que pour le noir, être ou ne pas être perçu comme trans va simplement changer la nature de la visibilité négative attribuable au fait d’être noir. […] Car au fond, toute personne qui ne se reconnaît pas dans les normes de son genre d’assignation, que so soit entièrement on partiellement (et …
C’est un recueil de texte dont la diversité des textes et des auteur·rices offre pas mal de matière à empathie, décentrage de son milieu blanc, et réflexions sur l’interlaçage du genre et de la race.
Deux citations qui m’ont marquées:
Premièrement, en apparaissant sans ambiguïté comme homme, le trans blanc jouit d’une invisibilité en tant que trans, ce qui, me semble-t-il, lui permet d’apparaître au monde pleinement blanc. […] Dit autrement, lorsqu’un blanc est perçu comme trans, c’est-à-dire comme déviant à l’ordre des sexes et de la nature, la transphobie atténue sa visibilité comme blanc. Alors que pour le noir, être ou ne pas être perçu comme trans va simplement changer la nature de la visibilité négative attribuable au fait d’être noir. […] Car au fond, toute personne qui ne se reconnaît pas dans les normes de son genre d’assignation, que so soit entièrement on partiellement (et dans ce second cas ça peut concerner beaucoup de monde, même les personnes les plus acquises à l’hétérosexisme) pourrait s’identifier non binaire “donc” trans, selon la logique actuelle. Mais qu’advient-il du sujet politique trans, lorsqu’en fin de compte, tout le monde peut se réfugier sous sa bannière? Comment comprendre la fonction du sexisme et de la transphobie dans le système capitaliste si le genre est défini par le ressenti et pas la position sociale? Enfin, surtout pour le sujet qui nous occupe ici, comment comprendre les dynamiques genrées du racisme si on nie la matérialité des positions spécifiques d’hommes noirs d’un côté et de femmes noires de l’autre? […] Or c’est précisément ce qu’on apprend à détester dans les milieux blancs, plutôt classe moyenne, et disons-le parfois clairement bourgeois: faire des compromis. Adapter son discours, et parfois même ses actions, pour faciliter les rapports avec sa famille ou communauté culturelle que l’on se recrée? Non, jamais! On vous dira qu’il faut absolument incarner la subversion, quitte à tout perdre. [Ce sont des] gens qui pour la plupart retomberont très bien sur leurs pieds économiquement une fois leur épopée radicale terminée[.] Rappelons-nous les années 60 et 70 en Europe qui ont vu le même genre de spécimens: hyper radicaux à 20, 30 ans, auti-hétérosexualité, anti-monogamie, anti-parentalité, vivant en squat, haïssant leur famille, performant la subversion du genre… puis après 40 ans, mariés, parents, profitant de leurs héritages, propriétaires d’appartements ou de maisons… Vive la révolution, quoi!
— Texte Devenir l’homme noir, Joao Gabriel
Et ce passage à la quasi fin du livre, je me rappelle plu la section:
Le rayon X […] a été découvert en novembre 1895 par le physicien allemand Wilhelm Conrad Röntgen et ses propriétés dépilatoires furent mises [au] jour peu de temps après, accidentellement. […] À la même époque se développe dans la société américaine un discours très négatif sur la pilosité des femmes. C’est notamment le mouvement hygiéniste qui en porte l’étendard à travers son message aux soubassements racistes. […] En cette période d’activisme des suffragettes et de croissance du travail des femmes, les poils sont aussi perçus comme des marqueurs d’une menace de transgression des rôles de genre[.] […] Alors qu’à la fin des années 1910 l’ensemble du monde scientifique s’accorde sur les dangers de l’usage esthétique des rayons X, l’engouement du public augmente. […] [Les discours publicitaires des cabinets commerciaux qui proposent des épilations aux rayons X] font invariablement référence aux progrès de la science et la possibilité d’accéder à la blanchité intégrale — c’est-à-dire sans poils — est présentée comme une marque de progrès.