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Javier Cercas: L'imposteur (French language, 2017, Actes Sud) 5 étoiles

En juin 2005, l'histoire d'un paisible nonagénaire barcelonais fait le tour du monde : Enric …

Javier Cercas se confronte dans ce livre à la mise à jour de Enric Marco. Cet homme né en 1921, a vécu comme tant d'autres, une époustouflante aventure avec une révolution anarchiste à Barcelone, une guerre civile qui s'est soldée par un exil pour certains, une vie soumise à une répression et une dictature franquiste terrible durant des années. Mais c'est après cette période, qu'il a commencé à être connu. Durant quelques années, il a été à la tête de la CNT, syndicat dont il a été expulsé avec d'autres (lesquels ont créé un nouveau syndicat la CGT), puis à la direction d'une association de Parents d'Eleves. Au début des années 2000, il intègre une association d'anciens déportés qu'il finit par diriger. Or il s'avère qu'il a fait croire à une déportation et cette fiction lui a permis d'acquérir une formidable notoriété. Lorsqu'un historien met en évidence le fait qu'il est parti travailler en Allemagne dans le cadre d'accord entre l'Espagne franquiste et le régime nazi, cela provoque un véritable séisme. Cercas s'efforce de revenir à la vérité, de dépouiller Enric Marco de tous ses mensonges, ses maquillages de la réalité, en collaboration avec lui. Tout son livre est traversé de réflexions sur la littérature, l'usage de fictions en son sein, le rapport entre la littérature et la réalité, le sens qu'elle prend en usant de mensonges pour décrire quelque chose, ses codes et le rapport avec les lecteurs. Il recourt à Truman Capote et les miens qu'il a avec 2 assassins pour son ouvrage majeur, à Cervantès et son Don Quichotte, personnage fictif derrière lequel s'invente une vie rêvée d'un homme simple. Il fait état de ses doutes, de ses aller et retour entre ses discussions avec Merci et ses autres interlocuteurs (des témoins mais aussi des écrivains, des historiens), de la compréhension de la nécessité de s'inventer une autre vie, mais aussi des dommages que cela peut produire. Il s'interroge aussi sur les raisons pour lesquelles l'Espagne s'est engouffrée dans une forme de Mémoire Historique qui lui a permis de mettre de côté la réalité de la dictature et ses conséquences en versant dans le kitch et le consumérisme.