GilB a cité Dejima par Stéphane Audeguy
En entrant dans la baie de Yokohama, Mabel se croit après tant d’autres, aux portes du Japon moderne. Elle pense qu’il lui suffira dès lors d’avancer vers lui pour le connaître, comme en 1902 elle avait découvert, émerveillée, Kyoto en descendant du train moderne et pimpant qui l’avait transportée d’Osaka à l’ancienne capitale ; mais Yokohama est la porte détruite qui bée sur un pays défait : les habitations traditionnelles, construites sans fondation, faites de bois et de papier, sont parties en fumée ; une lèpre de bidonvilles couvre une vaste plaine, à l’ouest de la ville ; partout des terrains vagues, des monceaux de débris non identifiables ; dès le sortir du port, l’occupant américain a tracé, large et rectiligne au milieu des ruines, la route qui mène les vainqueurs à Tokyo. […] Au delà, on croit pouvoir supposer le Japon et les Japonais ; mais, comme il n’y a toujours pas d’éclairage public digne de ce nom, le pays, ses paysages et ses habitants demeurent invisibles. L’armée américaine est une jeune taupe terriblement efficace : elle a sapé une vieille civilisation, en a retourné le sol en tout sens, insensible aux dégâts considérables qu’elle a provoqués. Ainsi Mabel s’avance-t-elle vers Tokyo, tout aussi aveugle que son glorieux pays d’origine.
— Dejima de Stéphane Audeguy (Page 56)
Dans la partie I Mabel