Une période extraordinaire suivit ces évènements. Pendant huit ou neuf mois, j’ai vécu d’une façon qui ne m’avait encore jamais été possible et, de bout en bout, je crois m’être trouvé plus près du paradis humain qu’à aucun autre moment des années que j’ai passées sur cette planète. Pas seulement à cause de l’argent (bien qu’il ne faille pas sous-estimer l’argent), mais à cause de la manière dont tout s’était soudain inversé. La mort d’Effing m’avait libéré de ma sujétion envers lui mais, en même temps, Effing m’avait délibré de ma sujétion à l’univers et, parce ce que j’étais jeune, parce que je connaissais si mal la vie, j’étais incapable de concevoir que cette période de bonheur pût un jour s’achever. Après avoir été perdu dans le désert, tout à coup, j’avais trouvé mon pays de Canaan, ma Terre promise. Au moment même, je ne pouvais qu’exulter, tomber à genoux, plein de reconnaissance, et baiser le sol qui me portait. Il était encore trop tôt pour imaginer que rien de tout cela puisse être détruit, trop tôt pour me représenter l’exil qui m’attendait.