GilB a noté La Montagne dans la mer : 5 étoiles

La Montagne dans la mer de Ray Nayler
Un mystère gît dans les hauts-fonds de l’archipel de Côn Ðào… Pour les Vietnamiens des environs, ce sont des monstres …
Je lis beaucoup de SF et de BD mais aussi de la littérature japonaise et américaine. Déjà utilisateur de Bookwyrm, je repars à zéro sur cette nouvelle instance. Je suis aussi sur Mastodon
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Un mystère gît dans les hauts-fonds de l’archipel de Côn Ðào… Pour les Vietnamiens des environs, ce sont des monstres …
Ce qui compte, pour la tique aveugle et sourde, c’est la présence d’acide butyrique. Pour le poisson-couteau américain, ce sont les champs électriques. Pour la chauve-souris, c’est la compressibilité de l’air. Voilà quel est l’umwelt de l’animal, son environnement sensoriel : cette portion du monde que ses organes sensoriels et son système nerveux lui permettent de percevoir. Pour lui, seule importe cette portion du monde. L’umwelt humain est structuré en fonction des organes sensoriels et du système nerveux de notre espèce. Mais l’umwelt de la pieuvre sera complètement différent. Dans un sens (et j’emploie ce mot à dessein), nous n’existerons pas dans le même monde. – Dr Ha Nguyen, Comment pensent les océans
— La Montagne dans la mer de Ray Nayler (Page 112)
En préambule du chapitre 13
Non seulement nous ne sommes pas d’accord sur la manière de reconnaître la conscience chez les autres, mais nous sommes également incapables de prouver que nous en possédons une. La science ignore souvent nos expériences individuelles – humer une orange, être amoureux – en les réduisant à des « qualia ». La conscience se résume à des théories et des métaphores ; un flux d’expériences. Une boucle que se réfère à elle-même. Quelque chose qui émerge du néant. Aucune de ces explications n’est satisfaisante. Toute définition nous échappe. – Dr Ha Nguyen, Comment pensent les océans
— La Montagne dans la mer de Ray Nayler (Page 48)
En préambule du chapitre 6
« Qu’est-ce que vous avez vu ? » C’était la question qu’on lui posait toujours – les gardes, la police, les journalistes. Qu’est-ce que vous avez vu ? Rien. Il n’avait rien vu. Mais il ne pouvait pas chasser le sentiment que quelque chose l’avait vu, lui. Et cette impression ne l’avais pas quitté. Il avait été content d’abandonner l’archipel. Mais ce n’était pas suffisant. La même sensation revenait à chaque fois qu’il songeait à l’océan. Il avait considéré Côn Ðào comme son foyer – le premier dont il avait profité. Ce qui s’était produit dans le cargo l’avait dépouillé de ce sentiment. C’était l’histoire qu’il avait voulu raconter. Mais la femme de DIANIMA n’aurait pas compris, de toute manière.
— La Montagne dans la mer de Ray Nayler (Page 19)

Un mystère gît dans les hauts-fonds de l’archipel de Côn Ðào… Pour les Vietnamiens des environs, ce sont des monstres …
Son premier éléphant. C’est son oncle Timur qui le lui offre, à son retour d’un mois de travail dans les champs pétroliers du basson de Timan-Pechora. Timur est le frère aîné de sa mère. Son oncle préféré. […] C’est étrange, comme une existence se créée à partir de ces infimes détails. Comment un adulte peut-il avoir un tel impact sur le chemin que suit un enfant ? Il faut un cadeau sans savoir quelles possibilités il ouvrira, quels potentiels il révélera. Peut-être que le premier présent n’est que le fruit du hasard – l’objet qui est disponible, le seul qui reste au magasin, ou simplement ce qui attire l’attention, ce qui se distingue pour une raison inconnue ou anodine. Et à partir de là, ça devient un jeu pour lui : dénicher quelque chose en rapport avec les éléphants pour la petite fille qui attend son retour.
— Défense d'extinction de Ray Nayler (Page 32)
« […] Mais toi, Damira ? Que fais-tu ici ? » Damira se souvient combien cette question la poignarde. Comment elle la porte en elle pendant des semaines sans pouvoir y répondre. Qu’elle s’infecte, suppurant des doutes qui ne seront réellement noyés que lorsque la guerre s’étendra à leur parc et que le temps d’y réfléchir sera révolu. Mais, sur le moment, elle se contente de rire : « Mon oncle m’a acheté un éléphant en peluche. » Wamugunda s’esclaffe. « Ce n’est sans doute pas non plus la vie que tes parents avaient imaginée pour toi. – Je ne pense pas non plus qu’ils aient jamais imaginé quoi que ce soit pour moi. Je suppose donc que j’étais libre de choisir. »
— Défense d'extinction de Ray Nayler (Page 90 - 91)
"Défense d'extinction" est une novella de science-fiction qui démontre combien ce genre peut ouvrir des espaces de réflexivité pluriels. Dans un futur proche (un peu plus d'un siècle, sans plus de précision apportée), des scientifiques sont parvenus à recréer des mammouths. Mais force est de constater que la création biologique ne suffit pas à elle-seule pour assurer leur survie dans les plaines de la taïga russe. Ces animaux n'ont en effet aucun repère pour vivre à l'état sauvage. D'où une deuxième idée : injecter la conscience sauvegardée d'une experte en éléphants, ayant vécu à une époque où ces derniers existaient encore en Afrique, dans le corps d'une mammouth. Sa mission : guider les mammouths et leur transmettre son savoir pour leur apprendre à survivre de façon autonome.
Partant d'un tel concept de départ, la novella est tout d'abord pour l'auteur l'occasion d'une critique frontale de l'avidité de ces chasseurs …
"Défense d'extinction" est une novella de science-fiction qui démontre combien ce genre peut ouvrir des espaces de réflexivité pluriels. Dans un futur proche (un peu plus d'un siècle, sans plus de précision apportée), des scientifiques sont parvenus à recréer des mammouths. Mais force est de constater que la création biologique ne suffit pas à elle-seule pour assurer leur survie dans les plaines de la taïga russe. Ces animaux n'ont en effet aucun repère pour vivre à l'état sauvage. D'où une deuxième idée : injecter la conscience sauvegardée d'une experte en éléphants, ayant vécu à une époque où ces derniers existaient encore en Afrique, dans le corps d'une mammouth. Sa mission : guider les mammouths et leur transmettre son savoir pour leur apprendre à survivre de façon autonome.
Partant d'un tel concept de départ, la novella est tout d'abord pour l'auteur l'occasion d'une critique frontale de l'avidité de ces chasseurs humains qui, dans leur folle course à l'ivoire, massacrent sans arrière-pensée des espèces entières pour le profit. Le propos est ici désenchanté, et même désabusé, tant rien ne semble avoir changé, entre ce qui provoqua l'extinction des éléphants sauvages évoquée dans la novella et l'attrait que représentent ces mammouths pour des braconniers. L'appât du gain n'est même pas la seule motivation, puisqu'est aussi mis en scène un humain prêt à payer pour l'attrait de la chasse elle-même et ce que représente le fait de tuer un tel animal. La novella invite ici à questionner la chosification à l'oeuvre qui rend légitime ces diverses chasses.
En parallèle, "Défense d'extinction" prend ces distances avec cette représentation pour esquisser une certaine désanthropisation de notre regard. Elle le fait au fil de la narration de Damira, cette scientifique dont la conscience se déploie désormais au sein d'un corps de mammouth. En partant de l'idée que la création biologique ne suffit pas pour survivre, la novella nous montre comment Damira va animer et contribuer à construire un savoir, une culture, au fond une certaine sociabilité, au sein de la communauté matriarcale qu'elle mène. L'éclairage sur les dynamiques relationnelles au sein du groupe de mammouths, à partir du point de vue de Damira, est l'occasion pour le texte de restituer une place aux un·es et aux autres en les envisageant dans leur subjectivité. En filigrane, la novella questionne la frontière du biologique et du social, de l'inné et de l'acquis, tout en troublant les frontières des espèces dans une dimension science-fictionnelle : une humaine, socialisée au sein de la société humaine durant toute sa vie, qui, en se retrouvant dans ce corps de mammouth, se retrouve aussi influencé par des sens qui lui apportent une autre perception du monde, par un cerveau qui lui confère un autre rapport au temps.
Ce dernier contribue à une thématique centrale qui traverse d'ailleurs l'ensemble du texte : derrière un certain rapport au temps, c'est l'enjeu de la mémoire qui transparaît. La mémoire individuelle d'humain·es, celle en train de se construire de mammouths recréés, le souvenir d'éléphants sauvages dont il ne reste que des mentions dans des livres d'histoire... Une mémoire qui contribue à trouver sa place, une mémoire qui porte des traumas, mais aussi une mémoire qui s'étiole, qui fuit avec le temps, au fil des événements. Cela renforce d'autant la mélancolie du texte.
Au final, en esquissant une certaine désanthropisation du regard, et en mettant en scène ce qui devient un affrontement - car le groupe de mammouths ne laissera pas impuni le meurtre de plusieurs des siens -, "Défense d'extinction" invite à se questionner sur la possibilité d'une cohabitation de l'espèce humaine avec d'autres espèces animales, en les considérant comme des protagonistes à part entière. La novella n'apporte pas de réponses, mais elle marque en soulevant justement des questions fondamentales sur le rapport des humains à d'autres espèces.
Toujours aussi séduit par l'écriture et la force des personnages des récits de Ray Nayler. Je conseille absolument. C'est puissant, c'est âpre et cela donne à réfléchir. Pour plus de détails voir la critique d'Ameimse
Toujours aussi séduit par l'écriture et la force des personnages des récits de Ray Nayler. Je conseille absolument. C'est puissant, c'est âpre et cela donne à réfléchir. Pour plus de détails voir la critique d'Ameimse

D’ici un siècle, peut-être davantage. Au fin fond de la taïga russe, des milliers d’années après leur disparition, les mammouths …
Ah tiens je n'ai pas réussi à accrocher sur ce livre qui paraissait me correspondre. Raté pour cette fois ?
Ah tiens je n'ai pas réussi à accrocher sur ce livre qui paraissait me correspondre. Raté pour cette fois ?

[4e de couverture] « Peut-être que si l’on ouvrait Vincent, on verrait une route des Alpes avec, en contrebas, un …
L’eau n’était pas si froide. Elle avait recouvert ses souliers de brocart à motif de nuage, tandis que la frange de sa robe bleue flottait déjà à la surface de l’étang dont le niveau montait progressivement, comme un nénuphar sous le clair de lune. Il savait que, dans une heure tout au plus, l’eau arriverait à hauteur de son nez et de sa bouche. Afin de relier l’étang au ruisseau coulant à l’extérieur du jardin, il avait installé un portique, auquel il avait donné le nom de portique du Jade brisé. Il le fermait pendant la saison des pluies, pour éviter les inondations. Cependant, à l’image de l’écoulement du temps, il n’aurait su l’interrompre complètement. Les deux surfaces restaient donc connectées, de sorte que lorsque les poiriers étaient en fleur dans le jardin, des pétales étaient invariablement transportés vers le ruisseau extérieur, en autant de bris de jade.
— Le Bracelet de jade de Mu Ming (Page 11)
3 premiers paragraphes

1640, treizième année du règne de l’empereur Chongzhen. Alors que la dynastie au pouvoir affronte de nombreux remous, la jeune …