GilB a cité Tous les Hommes par Emmanuel Brault
« Je suis né le jour où je me suis opposé au contremaître », répétait-il à l’envi. Mal lui en a pris, il avait reçu, pour toute réponse, quatre-vingt-quatre coups de fouet avant de s’écrouler d’un seul tenant sur le tarmac. Pas un son n’était sorti de sa bouche, il s’en était fallu de peu qu’il y laissât la peau. Alfred ne savait pas mettre d’eau dans son vin, ce n’était pas là son moindre défaut. Lorsqu’on le rencontrait la première fois, un pli barrait sers joues, deux rides ornaient son front, ses yeux pers faisaient le reste : ce n’est pas possible, il me fait la gueule, se disait-on. Comme les autres, je m’y suis laissé prendre, avant de comprendre qu’il était en colère, une colère si gigantesque qu’elle transparaissait dans chacun de ses gestes, au moindre de ses mots. Moi le premier, je l’avais pris à la légère, mettant son attitude sur le compte de son tempérament volcanique. C’était Alfred après tout, ça lui passerait. Il allait pourtant changer nos vies. Il ne faut jamais sous-estimer un homme en colère.
— Tous les Hommes de Emmanuel Brault (Page 7)
1er paragraphe de la partie I