GilB a cité L'Hôtel de verre par Emily St. John Mandel
Mais ils étaient citoyens d’un pays de l’ombre que, dans vie précédente, il n’avait perçu que confusément, un pays situé tout au bord d’un abîme. De tout temps, bien sûr, il avait eu conscience de l’existence de ce territoire. Il en avait vu les avant-postes les plus évidents : abris confectionnés avec des cartons, sous des ponts autoroutiers ; tentes entrevues dans les buissons, en bordure des voies express ; maisons aux portes condamnées mais avec une lumière qui brille à une fenêtre de l’étage. Il avait toujours eu vaguement conscience de ces gens qui avaient glissé sous la surface de la société, citoyens d’un territoire sans confort ni aucune place pour l’erreur […]. Il avait vu le pays de l’ombre, ses faubourgs et ses panneaux, seulement il n’avait jamais imaginé qu’il en ferait un jour partie. Dans le pays de l’ombre, on se couchait tous les soirs avec la peur, une peur si puissante qu’elle faisait à Leon l’effet d’une présence physique, d’une bête malfaisante qui absorbe la lumière. Il s’allongea à côté de Marie et se souvint que, dans cette vie, il n’y avait pas d’espace pour quelque erreur ou malheur que ce soit. Que deviendrait-elle s’il lui arrivait quelque chose à lui ? Marie n’allait pas bien depuis quelque temps. Dans le noir, la peur pesait sur la poitrine de Leon.
— L'Hôtel de verre de Emily St. John Mandel (Page 325)