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a publié une critique de Eutopia par Camille Leboulanger

Camille Leboulanger: Eutopia (French language, Argyll) 5 étoiles

Selon la Déclaration d’Antonia, il n’y a de propriété que d’usage. Chaque être humain est …

Une utopie moderne

5 étoiles

J'ai lu avec beaucoup de plaisir #Eutopia de @camilleleboulanger Une utopie moderne, comme l'est par exemple le superbe Voyage en Misarchie d'Emmanuel Dockès. Il s'agit d'une mise en chair des théories de Bernard Friot : salaire à vie inconditionnel attaché à la personne, propriété d'usage des moyens de production mais aussi des logements, entre autres. Si l'on n'est pas prévenu, on ne se rend pas compte d'emblée de cette application imaginaire de la théorie : c'est bien un roman, et un roman prenant ! On suit avec beaucoup de plaisir les pérégrinations et plus globalement la vie du personnage principal et de ses proches et moins proches, dans une société libre qui s'est fixée peu de règles pour devenir égalitaire et écologique (aujourd'hui on commence à comprendre que ces mots sont presque synonymes...). Ce qui n'empêche pas les personnages d'être confrontés à diverses problématiques existentielles... J'ai été étonné de découvrir que le principal point d'achoppement mis en avant dans le roman est l'éducation des enfants par toutes et tous, et l'éloignement des parents, à partir de 3 ans, présentée comme la condition de l'acceptation de la seule propriété d'usage.

Moi qui ai une nombreuse progéniture élevée bien au-delà de ses 3 ans, je ne souhaite pas pour elle un quelconque enrichissement et de multiples propriétés. Je lui souhaite de vivre dans une société où elle pourra se faire soigner gratuitement, bénéficier d'une sécurité sociale de l'alimentation, vivre dignement sans dépendre du marché ou d'un patron ; bref, vivre en Eutopia (ou presque)...

Par ailleurs, la théorie sous-jacente au roman a de mon point de vue les mêmes défauts que la théorie de Bernard Friot : l'idée que la violence inhérente à la nature humaine doit pouvoir s'exprimer dans un cadre institutionnel (soit), ce qui se traduit chez l'un comme chez l'autre auteur par une échelle de salaires de 1 à 3 (au moins) dont on gravirait les échelons grâce au passage devant des jurys de qualification. Ça ne me fait pas rêver (voir chez @frustrationmagazine www.frustrationmagazine.fr/le-projet-de-bernard-friot-point-dappui-pour-la-lutte-ou-impasse-strategique/), mais surtout, c'est manquer d'imagination quant aux multiples possibilités d'affrontement institutionnelles même dans une société égalitaire ! Pour décider par exemple du temps de travail selon sa pénibilité, ou encore de ce que l'on doit produire, de la façon d'occuper la terre, etc.

Bref, on passe un bon moment de lecture et ça titille les neurones, je vous le conseille sans réserve !