Profil

Je n’avais pas peur. J’avais isolé chacun des dangers dans ma tête, les avais rationalisés. Même si j’ignorais quel visage prendrait les agressions, je savais qui se trouverait derrière chacune d’elles. Je savais comment réagir dans n’importe quelle situation. Je savais ce que j’aurais à faire. Je m’entraînais inlassablement, en plus de mes mouvements de danse, à passer et repasser dans le Nihilo. J’avais là un atout inattendu. Aucun de mes ennemis ne savait l’avantage que j’aurais sur lui en ayant la possibilité de littéralement passer dans un autre monde. Et si je devais échouer, rater une transition vers cet autre monde ou bien me retrouver aux prises avec les créatures de la brume, eh bien, au moins, j’aurais mis toutes les chances de mon côté.

— Trois lucioles de Guillaume Chamanadjian (Capitale du Sud, #2) (Page 94)

Je comprends, maintenant. C’est à ça que sert la poésie. C’est pour cela qu’elle existe. Ni dieux, ni muses, ni inspiration, seulement le besoin de trouver mots, syntaxe, structure et mesure pour des sentiments qui ne vont pas en mots. Les émotions n’ont pas d’autre définition qu’elles-mêmes. Elles sont irréductibles, ce sont les atomes des sensations. Tout art écrit est une tentative de communiquer ce qu’est de sentir, de poser la terrifiante question : toi et moi éprouvons-nous la même chose ? Terrifiante parce qu’on ne peut jamais avoir de certitude. On espère, on prend le risque.

— Le temps fut de Ian McDonald