Triste tigre

Il ne faudrait pas être surpris qu'un livre dont le titre comprend le mot "triste" s'avère à être d'une certaine tristesse. Gare au tigre, cependant, qui transforme tristesse en courage entre les pages de cet essai percutant.

Triste Tigre est un livre auto-biographique dans lequel l'auteure, Neige Sinno, raconte son enfance marquée par l'inceste et des abus sexuels sur une durée de sept ans.

Si le sujet est d'une difficulté impossible à saisir, le livre est un essai littéraire et personnel qui analyse, réconcilie les réalités, et observe les conséquences au fil des années. Grâce aux multiples références littéraires et à la clarté de son expérience personnelle, l'auteure amène ici un propos original et profond.

Une lecture difficile, certes, mais pleine de sens.

Triste Tigre est un livre qui ne laisse pas indemne. Parler de l'inceste est difficile, le lire aussi, et Neige Sinno annonce dès les premières pages qu'elle n'épargnera pas lae lecteurice des horreurs qu'elle a vécu. Mais dès qu'on a digéré les faits qu'elle décrit, on trouve ensuite un livre fascinant et très beau. Qui va pêle-mêle parler de son procès, de sa prise de conscience de ces horreurs, de ses doutes par rapport à ce livre, de la complexité de la dualité victime-bourreau. C'est brut, c'est dur, ça bouleverse et ça a besoin d'être dit, besoin d'être lu. Le sujet de l'inceste est tabou parce qu'on refuse de confronter les horreurs qu'il représente, ce qu'il permet qu'il continue. J'ai acheté ce livre en sachant que je n'avais pas envie de le lire, je l'ai fait suivre pendant deux mois avant de commencer la première page parce qu'il fallait que je confronte ces horreurs pour être capable de moins les ignorer. Et Triste Tigre fait exactement ce travail, nous plonger sans fard dans les horreurs et la complexité de ces violences. À lire.

Une jeune fille énervée parce que sa mère lui a ordonné de faire la vaisselle. Cette dernière et une amie discutent dans la cuisine. L'adolescente fulmine silencieusement. En son for intérieur, elle sait qu'elle pourrait détruire la famille en quelques mots seulement. « Il me viole ». Elle répète intérieurement ce verbe, sait qu'elle détient un pouvoir considérable, sait qu'elle pourrait en user et tout bouleverser, à jamais. Mais la jeune fille ne dit rien, elle partagera ce secret avec son seul bourreau plusieurs années encore. Cette scène m'a beaucoup marquée. Elle est révélatrice de l'écriture de Neige, une écriture juste, au plus proche du réel. L'autrice nous entraîne au plus près de l'horreur, sans tabou mais avec une forme de délicatesse littéraire. Elle nous préserve sans nous épargner.